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lundi 31 mars 2008

Les zouaves présentent: La Vie Amoureuse d'un Passionné


Amis de l’étrange, bonjour. Voici un petit texte complètement inconnu, jamais réédité, dont on ne trouve aucune référence sur Internet. Bien dommage car s’il est écrit avec les pieds, ce livre est important car il traite d’un sujet peu évoqué à l’époque (du moins pas autant qu’aujourd’hui), celui du changement de sexe. Pour ceux que ça intéresse, il est titré La Vie Amoureuse d’un Passionné sur la couverture, titre auquel se rajoute Devenu Femme sur la page de titre, stratagème pour ne pas trop attirer les censeurs. Le texte est non daté (mais probablement des années 1925-30) et paru aux éditions Le Jardin d’Eros, 6 rue de Tracy à Paris.

Voilà l’histoire :
Jim Barnett est un milliardaire blasé et neurasthénique. Ses relations avec les femmes sont des échecs car toutes ne le désirent que pour son argent. De plus, il ne se l’avoue pas encore mais la finesse de ses traits et son élégance naturelle le font douter de sa virilité.

Un jour, alors qu’il se rend à Hollywood, il rencontre Daisy Linoch, une actrice en vogue. Il en tombe amoureux à tel point qu’il pense enfin avoir trouvé la femme à épouser. Alors qu’il a acheté la bague, il la trouve dans le même lit que son meilleur ami…Il se fait berner une dernière fois, escroqué par deux hommes de mèche avec une jolie créature qui lui fait le coup de l’amoureuse transie. Cette fois c’en est trop !
Barnett prend le large sur son yatch. Il se retrouve à Hawaï où, parait-il, un professeur suédois du nom d’Olaf a fait une grande découverte. Il est capable de transformer les hommes en femmes et inversement ! Barnett est séduit par l’idée, moyen pour lui de s’assumer et de revenir en Amérique sous les traits d’une femme milliardaire, prêt à se venger de tous ceux qui lui auront fait affront.
Sur cette île de rêve, il rencontre une danseuse avec qui il a une brêve relation, la dernière pense-t-il avant de devenir une femme. Sa belle exotique l’informe qu’elle connaît le professeur Olaf en question et qu’elle voudrait elle-même devenir un homme (mais oui, bien sûr). Cela tombe bien car le professeur a besoin pour opérer de deux sujets mâle et femelle pour échanger les parties sexuelles et les glandes de chacun/chacune. La vie est si bien faite.

L’opération a lieu et après quelques mois au lit : « J’ai poussé un cri : jamais je n’oublierai l’impression que j’ai ressentie à ce moment-là… Devant moi le miroir me reflète l’image d’une jeune femme ravissante, au corps harmonieux, au visage merveilleux et délicat. De beaux seins ornent ma poitrine. […] et là, entre mes cuisses, mon regard éperdu se concentre sur une ravissante toison noire et bouclée, sous laquelle se devine un sexe de femme parfaitement constitué. ». Jim est une femme, et Loula un homme. Alors que les jours suivants ils prennent conscience de leur nouvel état et se parent des attributs de leur sexe, le désir fait surface et Loula désire Jim comme un type baraqué désire une jeune femme en corset et talons hauts. « Loula maintenant est plus forte que moi. Me broyant sous son étreinte, elle me chevauche avec furie et sa virilité nouvelle s’enfonce en moi-même de plus en plus, m’arrachant bientôt des soupirs d’extase ».
Il est temps de revenir à Los Angeles et de se venger de Daisy Linoch et Jack Morton son meilleur ami ! Jim prend une identité féminine et avec son argent et sa beauté, se fait vite une place dans la grande société. Il retrouve ses deux ennemis et promet à Daisy trois grands rôles dans de prochains films mais quelques jours plus tard, il lui apprend qu’il jouera lui-même ces rôles. La pauvre Daisy décontenancée se fait aussi voler par Jim ses dossiers sur tout le show business, lui assurant jusque là une réserve de chantages inépuisables. Jim pousse le vice jusqu’à lui proposer, comme seul moyen de la sauver, d’être sa boniche, ce qu’elle fait avec répugnance et soumission. La vengeance s’achève par Jack Morton qui, séduit par Jim devenu femme, oublie totalement Daisy et se retrouve face à face avec elle dans ses habits de soubrette pleurnicharde. Ignorant pourquoi Daisy se soumet à Jim, il reste avec lui quelques mois, lui faisant des cadeaux et se ruinant presque. Enfin, Jim révèle tout au grand jour, Jack se suicide et il part vivre à Hawaï où il retrouve Loula, femme devenue homme avec lequel il vit le parfait amour, gardant auprès de lui comme esclave et boniche la pauvre Daisy Linoch. Jim se montre d’ailleurs d’une rare violence avec elle.
On sent que pourrait alors commencer un roman sadique dans la veine des grands textes de flagellation des années 30. Ralph d’Ervilier serait-ils l’un des prolixes auteurs de ce mouvement… On n’en saura probalement jamais rien.

Ps : Les illustrations, anonymes elles aussi, n’ont probablement pas été faites spécialement pour cet ouvrage car à aucun moment on ne voit Jim Barnett avec plusieurs femmes. Les autres illustrations n’ont pas non plus de rapport direct avec le texte au milieu duquel elles sont positionnées.

lundi 24 mars 2008

Sous le manteau

Voici quelques romans pornos des années 50, une époque où éditer, diffuser ou vendre de tels livres était des plus dangereux. On imagine mal aujourd'hui les précautions qu'ont du prendre ces éditeurs pour éviter la répression, les saisies et les peines de prison. Eric Losfeld fut un des principaux éditeurs de pornos clandestins de cette époque. Alors que sa première maison d'éditions, Arcanes, était au plus mal, il dut, pour "faire bouillir la marmite" comme m'a confié sa fille Joëlle, se lancer dans ce monde interlope de l'éditions clandestine. Losfeld prétend dans ses mémoires avoir été à l'origine de 70% de la production porno de l'époque, ce qui semble fort discutable. En tout cas, comme l'affirme Jean-Pierre Dutel, le spécialiste du sujet, Losfeld fut réellement l'un des pivots de ce milieu dans lequel il se fit de l'argent, la main pour ses productions à venir, et un certain nombre d'amis, notamment des imprimeurs.
Souvent non datés (ou antidatés pour déjouer les saisies), anonymes ou signés de pseudos farfelus, portant des noms de maisons d'éditions tout aussi incongrus, ces livres tirés à peu d'exemplaires (souvent un millier) sont devenus très recherchés.

vendredi 7 mars 2008

Poche-Club Fantastique

Continuons d'explorer les recoins obscurs de l'édition avec une collection formidable, Poche-Club Fantastique. Ma collection s'arrête pour l'instant à 3 titres mais elle est, comme ce post donc, en perpétuel mouvement... et la tendance n'est pas à la réduction...
Que dire sur cette collection... J'ignore à peu près tout sauf que le copyright de certains titres mentionne Nouvel Office d'Edition (1964-1965) puis Pierre Belfond (1966). Pour être honnête je n'ai pas le courage de chercher plus loin, et tout le monde s'en fout un peu.
A sauver, le choix des textes, classiques du fantastique ou grands oubliés (tiens au taf, le premier mec qui me demande, "vous avez quoi de Marcel Béalu?" je lui offre une bouteille de Bordeaux!*). A sauver aussi, les couvertures! Hugherts (?? ahah, Google zero) pour la géniale gravure de la couv des Contes cruels de Villiers de l'Isle-Adam, François Béalu pour L'Araignée d'eau de son oncle Marcel du même nom et pour Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand.
Au catalogue et sur ma liste de recherche, Les Chants de Maldoror, Les Amours Jaunes de Corbière, Le Dictionnaire du Diable de Bierce ou Les Illuminés de Nerval, parmi tant d'autres!

* Sont exclus de participation à cet élan de générosité culturelle les lecteurs et autres alcooliques de ce blog.

vendredi 29 février 2008

Jean-Pierre Martinet. La Grande Vie

Il est des livres qui nous accompagnent et desquels on fait des oreillers ou des nids pour venir y rire, y pleurer et y retrouver une musique tellement profonde qu’elle semble faire partie de nous-même. La grande vie est pour moi de ceux-là.
Jean-Pierre Martinet est un météore triste. Mort à 49 ans, affaibli par la vie et de multiples échecs, il laisse derrière lui une œuvre de quelques livres, des cailloux de Petit Poucet pour des générations à venir. Comme avec Beckett, sa première lecture m’a laissé sur le cul, ne sachant si je devais rire ou m’inscrire à l’Agence générale du suicide de Jacques Rigaut.
Ce texte a paru pour la première fois dans la revue Subjectif de Gérard Guégan (feu le Sagitaire), dont vous avez pu apercevoir une couv’ un peu plus bas ; il est salutairement réédité depuis 2006 par l’excellent David Vincent (de son vrai nom) des éditions L’Arbre Vengeur.



Adolphe Marlaud possède déjà un nom aussi éloigné du glamour qu’un plat de navets refroidis, la vie ne l’a pas gâté ou seulement dans le sens premier du terme. Ses deux parents sont morts, sa mère gazée à Auschwitz et son père, un enfoiré de première, repose à quelques mètres de chez lui, au Père-Lachaise. Il observe sa tombe de chez lui, rue Froidevaux (…) et se donne pour mission de la surveiller, ce qui, accessoirement, lui donne l’occasion d’acheter une carabine pour dégommer les animaux à qui viendrait l’idée de souiller la noble sépulture.
Son quotidien est une source inépuisable pour qui voudrait rédiger de nouvelles définitions des mots « morne » ou « déprimant ». Employé dans un magazin d’articles funéraires, traité comme un chien par son patron, sa non-vie sexuelle est soudain est soudain bouleversée par l’intrusion d’une énorme concierge de 2 mètres obsédée par Luis Mariano qui le choisit comme objet sexuel, lui si frêle et peu ragoûtant. « Généralement on me comparait à un cloporte ou à une punaise, ce qui me flattait plutôt car j’ai toujours adoré ces petits insectes. Quand je me regardais dans la glace, le matin, je ne donnais pas entièrement tort à mes détractrices. Cette tête d’avorton maussade, presque toujours ensommeillé, ce teint jaunâtre, comme si j’avais passé la nuit dans un seau hygiéniqe, cette taille ridicule qui m’obligeait à porter des talons très hauts pour ne pas ressembler à un des nains de Blanche-Neige, je me sentais parfois si laid, si misérable, que je détournais les yeux lorsque j’apercevais mon reflet dans une vitrine. Madame C. était encore trop bien pour moi. Je ne la méritais pas.»
Ses soirées sont faites de lectures (Bossuet, Rimbaud, Nabokov, Léo Malet ou Svevo) et ses journées de rêveries sur sa clientèle féminine ; toutes ces femmes en deuil portent-elles des sous-vêtements noirs ? Elles le captivent d’autant plus que la grosse Madame C. lui donne un aperçu de l’enfer sensuel : « J’étais condamné à plonger sans maugréer dans les ténèbres rougeoyantes. Je comprenais la terreur des habitants de Pompéï lorsque la lave du Vésuve avait déferlé sur eux. »
Comment donc sortir de tout ce gris de cimetière, de cette solitude poisseuse et de ce désespoir sans fond ? Par le rire, par un humour qui transcende la noirceur, qui la sublime, un rire jaune, sans drame, sans pathos, car « il n’y a pas de drame, chez nous, messieurs, ni de tragédie, il n’y a que du burlesque et de l’obscénité ».

Parmi les « seconds couteaux » de la littérature, les oubliés, les Emmanuel Bove, les Henri Calet et les Maurice Raphaël, Jean-Pierre Martinet fait figure de pierre angulaire. Maintenant, à vous la Grande Vie.


Esprit de Garcimore, magie, double post ! Le logo de l’Arbre Vengeur vient nourrir ma thématique croix/seins, n’est-ce point meeerveilleux ?


samedi 5 janvier 2008

Akira Yoshimura. Voyage vers les étoiles



Né en 1927 dans un quartier populaire de Tokyo, Akira Yoshimura est mort le 31 juillet 2006. Il fut l'un des très grands écrivains japonais de son temps. Voyage vers les étoiles fait écho à deux autres nouvelles publiées au Japon dans un même recueil, intitulé en France: La Jeune Fille suppliciée sur une étagère (Actes Sud, 2002; Babel, 2006)

La première nouvelle, Un spécimen transparent, raconte l’histoire de Kenshiro.
Cet homme d’une soixantaine d’années travaille dans un hôpital. Son travail depuis plus de 30 ans consiste à prélever et traiter des spécimens osseux sur des cadavres. Ce métier qui sent la solitude et la mort est un héritage indirect de son père, ciseleur, qui confectionnait des pipes en y gravant des scènes pornographiques sur des os humains qu’il avait récupérés sur les cadavres d’un tremblement de terre. Le jeune Kenshiro ne se remettra pas de cette découverte et gardera pour ce contact avec les corps une fascination réelle. Solitaire et cultivant l’écart, son métier à l’hôpital lui convient tout à fait. le seul hic à son mode de vie est que les femmes avec qui il a eu des relations l’ont toutes quitté en apprenant d’où venait cette odeur de mort sur lui et la nature de son travail. Un jour il fait la rencontre de Tokiko, une veuve, et sa jeune fille Yuriko. En échange du règlement des études de Yuriko, Tokiko accepte le mariage. Kenshiro pense enfin avoir trouvé celle qui restera avec lui pour toujours.

Perfectionnant son art du traitement des os une fois rentré chez lui, Kenshiro parvient, sur le crâne d’un lapin, a réaliser ce qu’il espérait : obtenir des os transparents, d’une limpidité parfaite. Fier de sa découverte, il est pourtant en butte avec sa hiérarchie qui le méprise car il est un modeste exécutant et non un médecin diplômé. Ce qu’il voudrait par dessus tout c’est un corps humain récemment décédé pour reproduire cette expérience seulement son supérieur le lui refuse, ce genre de cadavres étant denrée rare et destiné avant tout aux étudiants.

Une nuit, la mystérieuse Yuriko est prise d’une toux violente et décède d’une pneumonie aiguë. Kenshiro voit alors l’occasion rêvée de réaliser son expérience scientifique et morbide sur sa propre belle-fille et dès le lendemain il s’empare du cercueil, le met dans sa voiture et se dirige vers l’hôpital.

La deuxième nouvelle est moins surprenante. Elle met en scène des jeunes de Tokyo mal dans leur peau, qui ne vont plus en cours et errent à longueur de journée. Le jour où Keichi rencontre le groupe, il ne sait pas encore jusqu’où cela va le conduire. En effet un jour, ne sachant plus trop quoi faire pour passer le temps, l’un des jeunes lance l’idée d’un suicide collectif. Malaise et envie partagent les membres du petit groupe. Ils décident alors de partir « en voyage », l’un d’eux s’empare d’un camion et ils partent mettre à exécution leur projet sur le bord d’une falaise.

Deux très étranges textes sur les rapports ténus entre la vie et la mort. Un vieux solitaire dont le métier est de préparer des spécimens osseux à la recherche du corps parfait. Un groupe de jeunes désabusés prêts à faire le grand saut collectif vers les étoiles de l’au-delà. Dérangeant, obsédant Yoshimura décrit le malaise en une écriture froide, glaciale et poétique.

Donald Westlake. Personne n'est parfait.



Voici une petite merveille de polar et de drôlerie. Rivages a encore frappé en rééditant un très bon Westlake de 1978 (77 en langue originale). On retrouve le formidable Dortmunder, voleur aussi brillant que malchanceux et ses « partners in crime » tous aussi géniaux les uns que les autres.

Tout commence lorsque Dortmunder est sauvé, lors d’un procès, par un grand avocat tombé du ciel. Il s’aperçoit vite qu’en contre partie de ce miracle, il lui faut rendre à son tour un service. Et quel service. Il s’agit pour lui de dérober à son propriétaire, un tableau de maître intitulé La Folie conduisant l’homme à l’abîme (tout un programme !!) pour que ce dernier puisse toucher l’argent de l’assurance tout en gardant le tableau.

Tout aurait pu bien se passer si la soirée du vol, Dortmunder et sa bande de bras cassés (dont le fabuleux Kelp) n’avaient, en s’enfuyant, déclenché une bagarre dans un endroit rempli d’une centaines d’écossais ivres en kilt, perdant le tableau dans le feu de l’action…

La suite est tout aussi géniale et loufoque. La fin est purement hilarante !

Petite citation pour donner le ton:
« Je voudrais bien regarder ce film tranquille
- T’aimes pas les films.
- J’aime pas voir les films dans les salles de cinéma, dit Dortmunder, mais j’aime bien les vieux films qu’on passe à la télé.
- Et Kelp tu l’aimes bien aussi.
- Quand j’étais môme, j’aimais les cornichons aussi. Un jour je m’en suis tapé trois bocaux.
May protesta : « Andy Kelp n’est pas un cornichon »
Dortmunder ne répondit pas, mais il se détourne un instant de l’écran, pour lancer un coup d’oeil à May. Quand ils eurent, tous les deux, médité sur la vérité que May venait d’énoncer, Dortmunder reporta son attention sur la télévision »

Bonne lecture !
PS: Pour tous ceux qui seraient tentés d'acquérir ce livre pour de mauvaises raisons, à aucun moment vous ne verrez un personnage qui ressemble à la superbe créature de la couverture. Drôle de politique chez Rivages, pas bravo messieurs... (sacrée poupée quand même)

vendredi 4 janvier 2008

Mystérieux George Maxwell

Quelques marchés aux puces, beaucoup de patience, un peu d'argent.

(couvertures de Salva, éditions le Condor et Trotteur, 1952-1953)



mardi 25 décembre 2007

Léo Malet revient au bercail

Gilles Gudin de Vallerin et Gladys Bouchard. Léo Malet revient au bercail



Restons dans le polar, mais pas seulement
J’ai découvert par hasard l’existence de ce livre sur internet, j’ai supplié ma compagne avec un regard implorant et il s’est retrouvé devant la cheminée, avec sa couverture à tomber par terre et ses 254 pages d’iconographie rare et de texte captivant.
Ce qui m’a toujours plu chez Léo Malet, plus que ses intrigues en elles-mêmes, c’est son parcours et les recoins obscurs de son univers. Peu de gens savent que le créateur de Nestor Burma vient du surréalisme, qu’il a non seulement rencontré André Breton mais qu’il a écrit et publié de la poésie surréaliste. Le grand mérite à mes yeux de ce livre publié par Actes Sud est de s’attarder sur cette histoire, de reproduire des documents que je n’avais jamais vus, sortis de l’ombre des héritages et collections pour deux expositions à Montpellier, la ville natale de Malet. On découvre ainsi que l’auteur s’est adonné au collage, grande pratique surréaliste de maîtres comme Max Ernst, Georges Hugnet ou autres. Quelques unes de ses œuvres sont ici reproduites. Aucun exemple hélas de la technique surréaliste dont il est l’inventeur, le « décollage » : pratique consistant par le décollage d’image à dévoiler la magie de la rencontre avec l’image qui se trouve dessous, tel un palimpseste visuel.
Un autre chapitre est consacré aux couvertures des romans de Malet, et à l’image qu’il s’en faisait. On y découvre un passionné de littérature populaire et de romans illustrés de collections de gare. Fasciné par les couvertures de Starace pour la série des Fantomas, il aurait souhaité que chacun de ses romans soit illustré selon son désir. Hélas, seul l’éditeur a réellement son mot à dire sur ce sujet-là. Je partage tout à fait ses goûts et préfèrerai toujours un original en piteux état avec sa couverture dessinée qu’une réédition récente ornée d’une photographie ne laissant plus aucune place à la rêverie. Nous reparlerons de mon obsession pour les polars des années 1950… d’André Héléna ou de Claude Ferny, des auteurs à découvrir !
Bref, voilà un livre qui a le mérite de toucher le collectionneur, de ravir le lecteur de polar (nombre d’anecdotes et d’éclaircissements sur l’univers, les sources d’inspiration de l’auteur etc.) et probablement de susciter la curiosité de tout un chacun.

vendredi 21 décembre 2007

Peter Loughran. Londres Express



La série noire a elle aussi ses recoins obscurs, curiosités et excentricités. Une sorte de must mauvais genre. L’une des pièces maîtresses de cet enfer est un roman de Peter Loughran intitulé Londres Express, paru en 1967 dans nos contrées. Qui en est l’auteur ? Pour certains un Irlandais dont les autres textes n’auraient pas été traduits en France, pour d’autres un Marcel Duhamel dissimulé derrière un pseudo, pratique courante dans le polar. Qu’importe après tout ! La simple lecture de cette abomination nous ravit par son noir génie et sa folie sans limites.
Ces 250 pages sont un voyage, au sens propre et défiguré, dans les méandres d’une perversion. Un homme prend le train, rejoint le navire sur lequel il est employé. La veille une soirée très alcoolisée l’a conduit dans une triste ruelle, interlope délice de la prostitution sous lampadaire blafard. Son voyage en train sera l’occasion pour lui de se remémorer cette soirée qui a mal tourné, mais aussi de nous faire vivre un bien étrange voyage. Dans son compartiment viennent en effet le déranger deux bonnes sœurs et une petite fille voyageant seule. Quelle engeance ! Son mépris de la religion fait l’objet de réflexions drôles et sans compromis. Tout à jeter, pourriture et mensonges… sauf Sainte Agnès, doux souvenir d’enfance… Quand à la jeune fille, elle l’empêche, tout comme les deux vieilles, de lire ses revues pornos, seul divertissement ayant grâce à ses yeux dans ce genre de contexte.
Drôle, noir anthracite (sombre et brillant comme le plus beau des charbons), furieusement violent, tel est cet homme au destin brisé. Les dernières pages sont une merveille à déconseiller aux âmes sensibles. Aucune morale dans ce texte sulfureux, nauséabond et malsain, seule la réalité d’un monde abject et violent, le nôtre. Bon voyage…