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Ahh comment résister, dans ces bacs à 1 euro, quand on tombe sur
une telle merveille que l’on n’a jamais vue? Dès la couverture, tout y est : le sexe, le mauvais goût, l’étrange. Quant au résumé de la quatrième de couverture, il met encore plus l’eau à la bouche au genre de pervers littéraires auquel j’appartiens. Alors je me suis lancé. Avec envie beaucoup, avec satisfaction souvent, avec effarement, consternation parfois. Passant par tous les stades et rebondissements, je suis sorti de ce livre avec une sensation étrange de fascination et de dégoût… En tout cas on a ici un bel exemple de roman déjanté des marges les plus obscures de la littérature.
Ce que j’ai aimé dans ce
pot pourri populaire et racoleur, ce n’est pas le style. On ne peut pas dire qu’il y en ait d’ailleurs, c’est écrit pour payer des factures et ça se sent; mais plonger dans les méandres d’un auteur qui se voit acculé à extraire de son cerveau les histoires les plus déglinguées possibles est toujours une expérience fascinante. Pendant un instant on est le psychanalyste d’un timbré qui vous raconte ses rêves, ses délires, ses peurs et ses fantasmes.
Sacré Hubert Burger, si seulement vous pouviez me lire et vous manifester, je serais ravi de vous connaître ! Votre cerveau m’a fait voyager dans des contrées riches et jusqu’alors inconnues.
Vous me raconteriez la genèse de votre personnage,
Max Von Grub, demi-dieu aux yeux de chat, personnage trouble défenseur du bien malgré une naissance placée sous l’astre du mal, une nuit de sainte Walpurgis.
« Max fut amené très tôt à constater la brutalité des hommes et la perversité du monde. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un dément le promena dans un camp de la mort nazi, et Max, âgé de six ans, crut avoir visité le jardin de Dieu »… Ce résumé de l’épisode précédent me fascine ! Un dément qui promène un enfant dans un camp de la mort nazi,
mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ? C’est pourtant, à mes yeux, totalement inspiré comme univers, tout comme les délires post-apocalyptiques et post-WW2 de
Max Roussel dans
Ne sont pas morts tous les sadiques. J’adore çà ! Je passe sur le reste du résumé qui contient une foule d’autres éléments tout aussi cinglés pour en arriver à cette histoire, ce « roi du monde » (référence directe à
René Guénon – dont l’ombre plane sur tout le livre, de même que
Ferdynand Ossendowski)
Max Von Grub quitte son précepteur, maître Cyril, qui lui confie une mission. Pour aller quérir les instructions, il l’envoie rue du faubourg Montmartre, dans un sauna… Commence alors
un épisode sexy à la Brigade Mondaine où notre héros se fait masser, à grands renforts pour Hubert Burger, de descriptions salaces pour remplir la clause du contrat réclamant une bonne dose de jambes en l’air. Finalement, Max,
plus léger, est informé de sa mission : il devra rencontrer, au plus profond de l’
Agarttha, le souverain dont parlent les grands initiés,
le roi du monde, vivant dans un royaume souterrain dont l’entrée est cachée. Devant lui, il devra lui demander son aide afin de rétablir la paix sur terre, et rapporter des informations sur l’existence de ce roi mystérieux.
Max accepte. Commence alors
un récit d’aventure complètement tordu où l’on voit notre gusse parcourir les montagnes les plus hostiles, s’initier au savoir bouddhiste avec quelques moines tibétains pour enfin approcher du fameux passage vers la
terre creuse tant fantasmée. Avant d’atteindre ce but, Max rencontre des peuples qui jouent le rôle de gardiens de cet univers enfoui. Les
Dzong tout d’abord, dont les femmes accouchent en 9 jours, dans le plaisir, l’expulsion du fœtus s’assimilant à la jouissance. Quant à la sexualité des Dzong, elle relève du plus pur délire narratif. Une petite citation s’impose !
« Vous avez la malchance de disposer d’un sexe extérieur, sale et fragile, alors que le nôtre s’enroule à l’intérieur de notre corps. Lorsque nous nous accouplons, les trois asomin [des sortes de ventouses] que tu viens de remarquer s’appliquent contre la chair de la Dzong-Li, à n’importe quel endroit de son corps, et le vibram se déroule de notre corps pour transpercer la chair de la Dzong-Li, la pénétrer et se frayer un passage jusqu’à ses centres vitaux. Chaque asomim contient un vibram et l’union se fait lorsque les trois vibram atteignent les centres vitaux de la Dzong-Li.. » Ah ouais, ok. Bon, y’a un créneau pour les futurs Dorcel là…
Autre point intéressant de cette peuplade fascinante, leurs enfants. Ils en ont beaucoup trop, c’est pourquoi ils ont crée une cérémonie dans laquelle les enfants en question sont
jetés dans un énorme trou. Un prêtre, à l’aide d’une poudre magique qu’il a répandu au fond, transforme alors le tas de mioches en
véritable geyser ! Résultat :
« Les corps des Be-Dzong avaient été déchiquetés par l’explosion et se trouvaient projetés en lamelles sanglantes contre le dôme de pierre. Les Dzong reçurent cette pluie dégoutante comme le plus agréable des présents, la plus enivrante des caresses. Le sang pissait de partout et inondait le sol. Les corps nus des Dzong dégoulinaient de sang ; ils étaient littéralement flagellés et assomés par les fragments de chair qui retombaient sur eux » Miam, voilà qui résout toutes les problématiques humaines sur la pédagogie, vous savez donc désormais comment
vous éclater avec vos enfants, merci Hubert !
Continuons… C’est autour de la page 180 que survient
la scène la plus purement hallucinante de cet opus décidément divin. Max est fait prisonnier par les
Wobina, une peuplade de femmes vampires assoiffées. Attaché, il est contraint à ingurgiter une
« purée aphrodisiaque » ( !!). C’est ainsi qu’il bande comme dix canassons en folie et éjacule un énorme magma de sperme sur les Wobinda qui elles, pendant ce temps, sont empallées sur des stalagmites !
« Et le sexe en érection perpétuelle, semblait-il, continuait à cracher sans relâche. Le ventre de Max semblait devenu une usine à sperme. » Mais ça ne s’arrête pas là !
Ensuite, délivré par des chevaliers en armures ( !!??) au nombre de douze comme les chevalier de la Table Ronde (tant qu’à faire), il croise, dans ces entre deux mondes, un être retenu prisonnier qui n’est autre que…
James Dean, « passé dans le rang des immortels » (p.187) ! Là c’en est trop, vous allez finir pas ne plus me croire alors je vous colle le scan…