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samedi 19 juillet 2008

Ben Bertie


Ben Bertie. Vous pouvez tous vous l'accrocher. Ed. Le Trotteur, 1953 (couv. de Mik)

Attention, avec Ben Bertie, on est pas dans le polarmoyant pour mauviettes, on est là pour tout péter ! Aucune finesse dans l’intrigue, dans la psychologie des personnages (la quoi ?), juste une bonne dose de violence bête et méchante saupoudrée d’argot et d’apostrophes qui vont bien (j’vais t’buter, j’suis ton homme, tu m’prends pour qui, t’vas voir…)
Un p’tit résumé pour la route : X (on va l’appeler comme ça) est un truand employé par Rick pour buter un type et une nana, et glisser une enveloppe dans la veste du mec ratatiné. Le jour venu, X se gourre de couple puis dégomme le bon, 4 morts au compteur. Par contre dans la panique, il met la lettre dans la veste du mauvais gusse… Plus tard il comprend que Rick l’a quasi-donné aux flics et se venge en le dégommant (original) ! « Et pis, merde, j’m’en fous, tout ça c’est des conneries, le premier qui m’casse les pieds, j’le bute ». C’est dit.
Sortant de là, il rencontre une jolie pépée attendrissante, barmaid au « Georgia Bar » sur les Champs Elysées… La fille, comme souvent, est plus futée qu’il ne le pense. Elle comprend qu’il est le coupable des meurtres dont parle toute la presse, mais elle ne porte pas plainte, contre X... ahah, bon…
Il est temps d’inclure une scène de fesses, cher Ben Bertie ! Ca tombe bien, voilà une jolie vendeuse de vêtements peu farouche : « Ma main droite explore son ventre, ses jambes. Je relève sa jupe, je sens un triangle doux et gonflé. Elle se tourne contre moi, elle écarte un peu les jambes. Elle me veut, elle me cherche avec sa main. Et toute seule, elle me prend petit à petit d’abord, puis de plus en plus vite. Elle se rejette en arrière tendue à l’extrème. Elle geint dans la jouissance comme une chatte en rut…[…] Je sors de là vidé comme je l’ai jamais été ». Voilà, ça c’est fait. Après ces amuse-gueules, le roman prend enfin un peu de consistance.
Suit donc un passage plutôt bienvenu (p.77). Dans un terrain vague, la nuit, notre bonhomme tombe sur Franca, une apparition fantomatique assez étrange à la Jean Rollin, une fille complètement folle tenant à la main un couteau plein de sang. Il l’accompagne chez elle et découvre sa sœur jumelle ensanglantée, étendue par terre, le regard vide. Il réussit à s’enfuir de ce terrifiant taudis avec un coup de couteau dans le bras. Il se réveille à l’hôpital, d’où il s’enfuit pour rencontrer, dans un bar, un cave gay qui lui demande de lui faire découvrir Paris contre une rétribution financière (pas en nature, notre homme n’est pas de la jaquette au cas où vous en douteriez encore)… Puis, petite visite dans un cinéma érotique où les gens se frottent les coudes et d’autres parties de l’anatomie dans l’obscurité. Notre type s’enfuit discrètement, évite de peu les flics qui l’ont maintenant repéré, zone dans les terrains vagues et tombe sur un couple qui fornique.
Et là Ben Bertie soulève sa casquette et essuie la sueur qui perle sur son front de bon tacheron de romans popus, car ce polar commence vraiment à l’exciter, ses fantasmes s’expriment désormais librement. Ou alors son boss Patrick Rossart (le directeur de la collection) est venu le voir et lui a demandé de rajouter 4 doses de misogynie, de sexe violent et de crasse nauséabonde :
« j’m’avance, le revolver à la main, j’fous un coup de crosse derrière l’oreille du mec, il s’affale comme un pantin désarticulé. J’le balance, et, avant que la môme ait le temps d’y voir clair, j’suis sur elle. J’la sens ouverte, elle me prend comme elle prenait l’autre… Sale garce de femelle… Mais devant moi, deux petits yeux brillants me fixent. Le rat est là. Il reste immobile, sans un souffle » (p. 97). Bon sang, ça commence à ressembler à un roman noir, sans talent mais avec tous les ingrédients…
Puis X se case avec Lily, une femme qu’il rencontre dans un train. Pendant un an, la vie suit son cours, il oublie presque qu’il est un tueur, jusqu’à ce qu’un journal décide de reprendre l’enquête en employant un… radiesthésiste…
X rencontre alors la belle Suzanne, avec qui il s’associe. Je vous passe les cavales, le meurtre du radiesthésiste, les bastons, sauf une avec deux flics dont le duo de choc ne fait qu’une bouchée… « Il reste là, pâle et flasque, comme un étron de constipé ». La plus belle comparaison de tout le bouquin. Je crois qu’on peut rester là-dessus pour ce petit résumé….

jeudi 8 mai 2008

André Héléna. Le goût du sang


Il est toujours difficile pour moi d’évoquer de façon juste et objective un roman d’André Héléna tant cet auteur a touché quelque chose de vital en moi dans mes années d’adolescent. Un pessimisme radical, une noirceur qui colle au corps comme une pluie poisseuse un soir de novembre sur des pavés luisants d’espoirs déçus.
Le goût du sang fait partie des grands romans d’Héléna, de ceux qui dépassent largement la médiocre production alimentaire à laquelle il s’est restreint par faute de temps et de motivation. On touche ici, au contraire, à du grand art, à l’inscription dans un sous-genre d’un trait de plume existentialiste et vierge de tout chichi littéraire. Une bombe brute, noire et fatale.
Héléna situe l’action dans les lieux qu’il connait bien. Ici c’est Perpignan, pendant la guerre et après la Libération. Jacques Vallon est un jeune homme maladroit, laid, fils d’un magistrat qu’il méprise. Décidé, après mille renoncements, à surmonter sa timidité pour entrer dans un bordel afin de fêter l’obtention de son bac, Jacques se retrouve malgré lui, dans les toilettes du claque, témoin d’une conversation évoquant des meurtres de collabos. Surpris, le voilà, plus par fatalité que par réelle motivation, tueur dans la Résitance, lui qui jusqu’à présent prenait la vie comme un fardeau social, familial et (a)sexuel. Jacques déteste l’occupant et les collabos, mais pas réellement par principe. Ce qu’il déteste chez eux c’est leur pouvoir, ils ont l’argent et les filles. Ils ont tout ce qui lui manque. Il les effacera donc, avec son Luger, un par un. C’est alors que, peu à peu, au fil des exécution de miliciens, de pourris en tous genres, le gagne le « goût du sang » et que Jacques se métamorphose.
« A certains moments, au moment de tuer, quand on sent passer le souffle empuanti de la mort, un démon prenait l’enveloppe charnelle du fils Vallon. Et c’était ce démon fait homme qui tuait. » La fatalité poursuivra Jacques, comme on l’imagine bien, vers un final sans espoir, d’une noirceur tout simplement sublime et poétique dans sa radicalité.


(couverture de l'édition originale de Jef de Wulf, heureusement conservée dans la réédition Fanval)

vendredi 1 février 2008

Guillermo Arriaga. Un doux parfum de mort



Retour dans les méandres « mauvais genre » du polar avec un contemporain cette fois. Le mexicain Guillermo Arriaga est à la fois connu en tant que romancier et en tant que scénariste sur des films tels que Babel, 21 grammes, Amours chiennes ou Trois enterrements.
Un doux parfum de mort est tout d’abord paru chez l’excellent éditeur Phébus avant de renaître il y a quelques jours chez Points dans leur nouvelle (et plutôt réussie) collection consacrée aux romans noirs.
J’avoue que je ne connaissais pas Arriaga, ni de nom ni d’Eve, mais que sa lecture m’a donné envie d’approfondir mon approche du bonhomme.
Ce livre est, comme beaucoup des œuvres que j’aime, à peu près inclassable dans quelque catégorie que ce soit. Histoire d’amour trash post-mortem, western mexicain, roman noir, polar épicé, que sais-je…
Topo : Le fondement du Mexique, un trou perdu dans la canicule.

« C’est la nuit. La chaleur ne semble pas vouloir accorder la moindre trêve. Ni la poussière. La chaleur et la poussière poissent les corps. Les peaux exsudent de la terre. Des tourbillons de moustiques flottent dans l’air immobile et brûlant. Implacables, ils tourmentent les oreilles et piquent. Un trio de coyotes hurle dans la forêt. Les serpents à sonnette se tortillent sur les cailloux embrasés des sentiers. Les bêtes cherchent la protection des arbres contre le feu d’un soleil que l’obscurité n’a pas éteint. Au loin, la rivière et son grondement étouffé. Et la chaleur, la maudite chaleur qui asservit tout. »

Là si vous n’êtes pas dedans, c’est que vous n’avez pas lu… Il y a peu de passages descriptifs tels que celui-là dans le livre. Arriaga préfère dresser une galerie de portraits de types tout aussi pétés les uns que les autres, à qui visiblement le soleil a trop tapé sur le sombrero. Tous sont préoccupés par l’Evénement qui bouleverse leur petit patelin de Loma Grande, la mort d’une jeune fille, Adela, retrouvée nue et poignardée dans le dos. Dès lors, tous n’auront qu’une idée en tête, venger la petite (ou soulager leur haine) et dégommer le pourri qui a fait ça, qui qu’il soit, et même si ce n’est pas le bon… Ne comptez pas sur les flics pour changer l’ordre des choses, ils sont encore plus pourris que les autres.
Au milieu de tous ces allumés, Ramon, un jeune type qui gère le bar-épicerie du trou. Pauvre de lui qui se retrouvera « fiancé » à la défunte parce que tout le monde dit qu’ils étaient ensemble, lui qui ne l’a vue que trois fois… et qui sera chargé de tuer son assassin, un type accusé à tort de toutes ces atrocités… En gros personne n’a le bon rôle dans ce bouquin, excepté la connerie humaine qui elle est toujours à sa place.

Un bon livre donc, sur la bêtise des hommes, sur la violence la plus terrifiante, celle qui n’a pas de fondement autre que sa propre volonté de propagation. Un film, un jour ? Bientôt ? Peut-être ?

dimanche 6 janvier 2008

Connie O'Hara. Clayton's College



Paru en 1948 aux éditions de l’Alma (seul un Bernard Joubert pourrait nous en dire plus sur cet éditeur…), Clayton’s College est devenu un petit livre cul-te de cette période. Plusieurs fois réédité (Régine Deforges, puis en poche), ce livre érotique ne casse pas des briques mais se laisse lire. Je ne révèle rien en disant que derrière le pseudonyme de Connie O’Hara se cache le romancier et dramaturge belge José-André Lacour.

Dans la vallée de la Morave, Clayton’s College s’est vidé à cause des vacances scolaires. A quelques pas se trouve le Davila’s College qui n’accueille que des garçons.
Archie Boni et sa femme dirigent le premier établissement, accompagnés par Mae, la femme de ménage et sa fille, ainsi que par Job, le jardinier et « homme à tout faire » du collège. C’est lui que l’on voit sur la superbe couverture de l’édition originale, suant la perversité.
Les seuls élèves qui occupent encore les lieux sont Brenda Flemming et Conception Tansillo. En face, Joël Lincoln, le petit ami de Brenda qui a cependant le béguin pour Conception.
Entre tous ces personnages s’élaborent toutes les combinaisons possibles de la luxure hétérosexuelle. Ainsi l’on voit Job peloter la fille de Mae puis Brenda, qui fait quelques pages plus loin mumuse avec Joël. M. et Mme Boni, non contents de se livrer entre eux à des jeux coquins, folâtrent avec les élèves. Etc.
Job, quant à lui, tient le rôle du benêt. Il observe plus qu’il n’agit, en gros malotru obsédé.

La grande réussite à mes yeux de ce texte tient dans les descriptions de la nature et de l’atmosphère des lieux. Entre chaque scène de sexe, Lacour dessine avec talent la lourdeur du ciel, des orages menaçants, la moiteur qui fait transpirer le corps et l’esprit de tous les protagonistes.

« On était tout le temps mouillé et brûlant et l’on avait envie de se frotter aux arbres et à la terre, et l’eau même des étangs, aspirante et tiède, était comme un grand ventre où l’on se serait laissé couler. »

Cette chaleur semble contaminer les personnages comme d’étranges radiations dans les films de série Z, faisant d’eux non pas des zombies mais des bêtes assoiffées de sexe, ne contrôlant plus leurs pulsions, reléguant bien loin d’eux toute forme de morale.
L’ « anxiété charnelle » les gagne. Aucun d’entre eux ne contrôle plus rien jusqu'au déchaînement final de Job qui furieux de désir, ira jusqu’à violer Brenda et la laisser pour morte près de l’étang.

Voici donc un livre moite et orageux, au sexe interdit et pulsionnel, en milieu clos, oppressant, autant d’éléments qui lui vaudront les foudres de la censure.

On trouve aujourd’hui cet ouvrage aux éditions de la Musardine, sous une couverture inintéressante que je ne reproduirai pas ici, préférant de loin l’originale hélas anonyme.


vendredi 21 décembre 2007

Peter Loughran. Londres Express



La série noire a elle aussi ses recoins obscurs, curiosités et excentricités. Une sorte de must mauvais genre. L’une des pièces maîtresses de cet enfer est un roman de Peter Loughran intitulé Londres Express, paru en 1967 dans nos contrées. Qui en est l’auteur ? Pour certains un Irlandais dont les autres textes n’auraient pas été traduits en France, pour d’autres un Marcel Duhamel dissimulé derrière un pseudo, pratique courante dans le polar. Qu’importe après tout ! La simple lecture de cette abomination nous ravit par son noir génie et sa folie sans limites.
Ces 250 pages sont un voyage, au sens propre et défiguré, dans les méandres d’une perversion. Un homme prend le train, rejoint le navire sur lequel il est employé. La veille une soirée très alcoolisée l’a conduit dans une triste ruelle, interlope délice de la prostitution sous lampadaire blafard. Son voyage en train sera l’occasion pour lui de se remémorer cette soirée qui a mal tourné, mais aussi de nous faire vivre un bien étrange voyage. Dans son compartiment viennent en effet le déranger deux bonnes sœurs et une petite fille voyageant seule. Quelle engeance ! Son mépris de la religion fait l’objet de réflexions drôles et sans compromis. Tout à jeter, pourriture et mensonges… sauf Sainte Agnès, doux souvenir d’enfance… Quand à la jeune fille, elle l’empêche, tout comme les deux vieilles, de lire ses revues pornos, seul divertissement ayant grâce à ses yeux dans ce genre de contexte.
Drôle, noir anthracite (sombre et brillant comme le plus beau des charbons), furieusement violent, tel est cet homme au destin brisé. Les dernières pages sont une merveille à déconseiller aux âmes sensibles. Aucune morale dans ce texte sulfureux, nauséabond et malsain, seule la réalité d’un monde abject et violent, le nôtre. Bon voyage…