mardi 25 décembre 2007

Léo Malet revient au bercail

Gilles Gudin de Vallerin et Gladys Bouchard. Léo Malet revient au bercail



Restons dans le polar, mais pas seulement
J’ai découvert par hasard l’existence de ce livre sur internet, j’ai supplié ma compagne avec un regard implorant et il s’est retrouvé devant la cheminée, avec sa couverture à tomber par terre et ses 254 pages d’iconographie rare et de texte captivant.
Ce qui m’a toujours plu chez Léo Malet, plus que ses intrigues en elles-mêmes, c’est son parcours et les recoins obscurs de son univers. Peu de gens savent que le créateur de Nestor Burma vient du surréalisme, qu’il a non seulement rencontré André Breton mais qu’il a écrit et publié de la poésie surréaliste. Le grand mérite à mes yeux de ce livre publié par Actes Sud est de s’attarder sur cette histoire, de reproduire des documents que je n’avais jamais vus, sortis de l’ombre des héritages et collections pour deux expositions à Montpellier, la ville natale de Malet. On découvre ainsi que l’auteur s’est adonné au collage, grande pratique surréaliste de maîtres comme Max Ernst, Georges Hugnet ou autres. Quelques unes de ses œuvres sont ici reproduites. Aucun exemple hélas de la technique surréaliste dont il est l’inventeur, le « décollage » : pratique consistant par le décollage d’image à dévoiler la magie de la rencontre avec l’image qui se trouve dessous, tel un palimpseste visuel.
Un autre chapitre est consacré aux couvertures des romans de Malet, et à l’image qu’il s’en faisait. On y découvre un passionné de littérature populaire et de romans illustrés de collections de gare. Fasciné par les couvertures de Starace pour la série des Fantomas, il aurait souhaité que chacun de ses romans soit illustré selon son désir. Hélas, seul l’éditeur a réellement son mot à dire sur ce sujet-là. Je partage tout à fait ses goûts et préfèrerai toujours un original en piteux état avec sa couverture dessinée qu’une réédition récente ornée d’une photographie ne laissant plus aucune place à la rêverie. Nous reparlerons de mon obsession pour les polars des années 1950… d’André Héléna ou de Claude Ferny, des auteurs à découvrir !
Bref, voilà un livre qui a le mérite de toucher le collectionneur, de ravir le lecteur de polar (nombre d’anecdotes et d’éclaircissements sur l’univers, les sources d’inspiration de l’auteur etc.) et probablement de susciter la curiosité de tout un chacun.

vendredi 21 décembre 2007

Peter Loughran. Londres Express



La série noire a elle aussi ses recoins obscurs, curiosités et excentricités. Une sorte de must mauvais genre. L’une des pièces maîtresses de cet enfer est un roman de Peter Loughran intitulé Londres Express, paru en 1967 dans nos contrées. Qui en est l’auteur ? Pour certains un Irlandais dont les autres textes n’auraient pas été traduits en France, pour d’autres un Marcel Duhamel dissimulé derrière un pseudo, pratique courante dans le polar. Qu’importe après tout ! La simple lecture de cette abomination nous ravit par son noir génie et sa folie sans limites.
Ces 250 pages sont un voyage, au sens propre et défiguré, dans les méandres d’une perversion. Un homme prend le train, rejoint le navire sur lequel il est employé. La veille une soirée très alcoolisée l’a conduit dans une triste ruelle, interlope délice de la prostitution sous lampadaire blafard. Son voyage en train sera l’occasion pour lui de se remémorer cette soirée qui a mal tourné, mais aussi de nous faire vivre un bien étrange voyage. Dans son compartiment viennent en effet le déranger deux bonnes sœurs et une petite fille voyageant seule. Quelle engeance ! Son mépris de la religion fait l’objet de réflexions drôles et sans compromis. Tout à jeter, pourriture et mensonges… sauf Sainte Agnès, doux souvenir d’enfance… Quand à la jeune fille, elle l’empêche, tout comme les deux vieilles, de lire ses revues pornos, seul divertissement ayant grâce à ses yeux dans ce genre de contexte.
Drôle, noir anthracite (sombre et brillant comme le plus beau des charbons), furieusement violent, tel est cet homme au destin brisé. Les dernières pages sont une merveille à déconseiller aux âmes sensibles. Aucune morale dans ce texte sulfureux, nauséabond et malsain, seule la réalité d’un monde abject et violent, le nôtre. Bon voyage…

En guise d'introduction

Au carrefour étrange vous trouverez des critiques de livres (disques, oeuvres diverses) dont la bizarrerie ou l'obscurité m'enchantent, quitte à parfois retrouver les chemins d'oeuvres plus conventionelles mais dont l'attrait est certain.
Bienvenue dans l'étrange carrefour, celui de Robert Johnson et des rencontres improbables.