mercredi 6 février 2008

Hommage à Violette Nozières



Voici un astre bien oublié de nos jours, Violette. Elle ferait au mieux un bon numéro de Faites entrer l’accusé. Elle fut pourtant au cœur des années 1930 le centre d’attention de toute une société, celle dont les valeurs familiales, la religion et la morale étaient, sans commune mesure avec aujourd’hui, des parengons de vie intouchables. Violette a tué, Violette a été punie. Sous le regard inquisiteur de ses juges, de la presse et de toute la pourriture bien-pensante en hauts de forme, elle fut condamnée à la peine capitale, commuée en perpétuité puisque l’on ne guillotinait plus les femmes dans ces années-là (cela reprendra sous Vichy…)

A 18 ans, Violette empoisonne ses parents avec un puissant somnifère. Sa mère survivra, son père non. Après son méfait, elle sort et reprend sa vie de libertine, de prostituée, tentant d’oublier que depuis l’âge de 12 ans, son père abusait d’elle en toute impunité, sous le regard mort et muet de sa mère.


(illustrations de Marcel Jean et Magritte)

Soucieux du sort de la femme dans ces années-là, fasciné par le courage, la liberté et le geste de Violette, le groupe surréaliste se mobilise et décide de produire un plaquette collective en hommage à la jeune femme, prenant ouvertement sa défense contre tout un pays. Ce seront, en décembre 1933, les éditions belges Nicolas Flamel qui publieront l’ouvrage, sous une couverture attribuée à Man Ray. Y participent : André Breton, René Char, Paul Eluard, Maurice Henry, E.L.T. Mesens, César Moro, Benjamin Péret, Gui Rosey, Salvador Dali, Yves Tanguy, Max Ernst, Victor Brauner, René Magritte, Marcel Jean, Hans Arp et Alberto Giacometti.
Il fallut attendre 1991 pour que Joëlle Losfeld, la fille de qui vous savez, réédite salutairement cet ouvrage important.
En voici à mes yeux quelques bribes qui défient le temps, tant d’un point de vue poétique qu’humain, quelques éclats.

« Violette rêvait de bains de lait
De belles robes de pain frais
De belles robes de sang pur
Un jour il n’y aura plus de pères
Dans les jardins de la jeunesse
Il y aura des inconnus
Tous les inconnus
Les hommes pour lesquels on est toujours toute neuve
Et la première
Les hommes pour lesquels on échappe à soi-même
Les hommes pour lesquels on n’est la fille de personne »

« Violette a rêvé de défaire
A défait
L’affreux nœud de serpents des liens du sang »

(extrait du poème de Paul Eluard)


(Isabelle Huppert dans Violette Nozières de Chabrol)

« Tous les rideaux du monde tirés sur tes yeux
Ils auront beau
Devant leur glace à perdre haleine
Tendre l’arc maudit de l’ascendance et de la descendance
Tu ne ressembles plus à personne de vivant ni de mort
Mythologique jusqu’au bout des ongles
Ta prison est la bouée à laquelle ils s’efforcent d’atteindre dans leur sommeil
Tous y reviennent elle les brûle »

« Ce que tu fuyais
Tu ne pouvais le perdre que dans les bras du hasard
Qui rend si flottantes les fins d’après-midi de Paris autour des femmes aux yeux de cristal fou
Livrées au grand désir anonyme
Auquel fait merveilleusement uniquement
Silencieusement écho
Pour nous le nom que ton père t’a donné et ravi »

(Deux extraits du poème de Breton)

Le groupe surréaliste adressa à la condamnée une gerbe de roses rouges.



« Mon père oublie quelquefois que je suis sa fille » (Violette Nozières)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

je ne connaissais pas cette histoire et ce bouquin doit vraiment etre une perle. Dommage que ce n'ai pas été aussi surréaliste que les oeuvres de ces artistes, mais bel et bien réel... R.I.P. Violette Nozières

Anonyme a dit…

Thanks! We are from Portugal not Spain. This blog is really interesting. Happy to see Alfred Kubin in your interests!

losfeld a dit…

Oh really sorry for "spanish"!
Thanx you too. Yes I saw the exhibition Kubin in january in the Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. It was just fantastic!