samedi 19 juin 2010

David Polonsky

Uniquement pour contredire la dernière phrase du post précédent, voici quelque chose de récent, de très récent même puisque cet album jeunesse date de mai 2010. Comme quoi la poussière n'a pas encore complètement recouvert ce blog.
Une nuit sans lune est un album sur lequel j'ai flashé comme un gamin en 1988 sur la collection des Crados, comme un ado sur la collection Gore dans les années 90, comme...

Bref c'est du beau boulot délivré ici par les Editions de la Balle. Sur un papier superbe qui donne des reflets argentés intransmissibles pour mon pauvre scanner, David Polansky illustre de façon bouleversante l'histoire de la petite Clara qui a perdu la lune (pas de mauvais jeux de mots de pervers très déviants dans ce post). Le tout sur un très beau texte de Shira Geffen et Etgar Keret.

Dispo pour une dizaine d'euros dans toutes les bonnes librairies ou en ligne.

Léon Valbert et l'humour canaille


Le Carrefour Etrange revient ! Après avoir balancé 1Go d’images dans vos pupilles, l’aventure continue avec 20 Go de plus, j’ai le temps de crever avant d’avoir utilisé tout l’espace cette fois…
Merci à tous ceux qui se sont manifesté pour trouver des solutions.

Une poule en prime… Quel titre ! Je n’ai pas hésité une seconde lorsque j’ai vu ce vieux fascicule Albin Michel (et bien d’autres) dans un lot bradé pour quelques cacahuettes. Il n’y a pas à le regretter car le texte et les illustrations (d'Urgel(?)), sans prétentions, sont tout de même plus que charmants, mêlant canaillerie, argot et vaudeville dans un tourbillon feuilletonnesque.
L’histoire : Louty, un collaborateur de L’Echo des lupanars (tout un programme là aussi) a une idée géniale. Pour relancer les ventes de la gazette, offrir une prime un peu particulière à un des lecteurs… UNE POULE ! C’est grandement misogyne, c’est très humour coquin début de siècle, c’est très bête.
Il suffira donc au premier quidam qui, le soir du 24 décembre, au bar Tabarin, saura demander à la bonne cocotte « Etes-vous la prime de l’Echo des Lupanars ? », pour se voir attribuer une nuit de vice et de plaisirs sans commune mesure.
Nous suivons à partir de là le parcours du délicieux Bouif, un crétin fini, premier clerc de notaire, aussi avare et timide que vierge et prêt à tout pour satisfaire sa curiosité sensuelle à moindre frais. Dès son voyage en train, tous les malheurs du monde lui tombent sur le pif. En retard, il monte par erreur dans un wagon de première classe et se prend un amende. Puis il enlève ses chaussures puantes pour retirer l’argent qu’il cache dans ses chaussettes (car le « pedezouille » a amené avec lui toutes ses économies par peur des voleurs). Ses chevilles enflées, l’opération vire au drame, une chaussure vole à l’autre bout du compartiment. Entre alors une jolie dame qui s’assoie tranquillement avant d’être effrayée par la puanteur. Trouvant la chaussure à ses pieds, elle demande à Bouif si ce charnier à semelle lui appartient. Gêné, il ne peut que nier, et voir par là-même sa grolle voler par la fenêtre. Le voilà donc contraint de continuer son périple parisien sur un pied. C’est mal barré pour lui, vous l’aurez compris.


Je ne vous raconte pas la suite, du même acabit, mais vous cite en vrac quelques passages et expressions ravissants.
« Et elle se rencogna dans l’angle opposé, où elle ne tarda pas à ronfler comme une toupie de Nuremberg » (qu’on m’explique ce qu’est une toupie de Nuremberg et je serai le plus heureux des étrangers de carrefour)
Un flic interpelant le pauvre Bouif qui, sorti du train, prit le Jardin des Plantes pour un hôtel…
« Etant de service à ménuit, place Valhubert, l’individu dont auquel nous sommes en présence s’est avancé par devers moi et m’a violemment interpoilé, comme si je pourrais point lui dire s’il resterait pas dans une niche pour l’hôpitaliser dans la ménagerie du Jardin des Plantes… »
Ambiance du bal Tabarin : « Au centre, en des agglomérations plus compactes, on percevait le remous fiévreux des danses infernales… De temps en temps, au dessus des têtes avidement penchées, émergeait une jambe lancée vers le plafond dans un fouillis de dentelles et de baptistes, où transparaissaient des coins de chair nue, des nids d’ombre rose plus suggestifs encore…
Et, de cet ensemble inoubliable, montait une odeur de griserie, de bestialité, d’amour impur, mais tout-puissant… un parfum de femmes et d’alcool, qui vous infiltrait dans les veines le désir irrésistible de se mettre à l’unisson, de hurler à son tout le cri des fauves en rut et de se mêler à la bacchanale, jusqu’à tomber dans un râle suprême de plaisir et de volupté »
(p.54)

Les plus curieux seront heureux d’apprendre que Léon Valbert avait pour vrai nom Albert-Léon Vavasseur, auteur de romans, nouvelles, pièces de théâtre et autres chansons. Il quitta ce monde en 1947, l’année de naissance de ma mère, comme quoi ce carrefour est vraiment un grenier à vieilleries…

Léon Valbert. Une Poule en Prime. Ed. Albin Michel, Coll. Le roman-succès. Illustrations d’Urgel. Non daté (années 1920 ?)