jeudi 8 mai 2008

André Héléna. Le goût du sang


Il est toujours difficile pour moi d’évoquer de façon juste et objective un roman d’André Héléna tant cet auteur a touché quelque chose de vital en moi dans mes années d’adolescent. Un pessimisme radical, une noirceur qui colle au corps comme une pluie poisseuse un soir de novembre sur des pavés luisants d’espoirs déçus.
Le goût du sang fait partie des grands romans d’Héléna, de ceux qui dépassent largement la médiocre production alimentaire à laquelle il s’est restreint par faute de temps et de motivation. On touche ici, au contraire, à du grand art, à l’inscription dans un sous-genre d’un trait de plume existentialiste et vierge de tout chichi littéraire. Une bombe brute, noire et fatale.
Héléna situe l’action dans les lieux qu’il connait bien. Ici c’est Perpignan, pendant la guerre et après la Libération. Jacques Vallon est un jeune homme maladroit, laid, fils d’un magistrat qu’il méprise. Décidé, après mille renoncements, à surmonter sa timidité pour entrer dans un bordel afin de fêter l’obtention de son bac, Jacques se retrouve malgré lui, dans les toilettes du claque, témoin d’une conversation évoquant des meurtres de collabos. Surpris, le voilà, plus par fatalité que par réelle motivation, tueur dans la Résitance, lui qui jusqu’à présent prenait la vie comme un fardeau social, familial et (a)sexuel. Jacques déteste l’occupant et les collabos, mais pas réellement par principe. Ce qu’il déteste chez eux c’est leur pouvoir, ils ont l’argent et les filles. Ils ont tout ce qui lui manque. Il les effacera donc, avec son Luger, un par un. C’est alors que, peu à peu, au fil des exécution de miliciens, de pourris en tous genres, le gagne le « goût du sang » et que Jacques se métamorphose.
« A certains moments, au moment de tuer, quand on sent passer le souffle empuanti de la mort, un démon prenait l’enveloppe charnelle du fils Vallon. Et c’était ce démon fait homme qui tuait. » La fatalité poursuivra Jacques, comme on l’imagine bien, vers un final sans espoir, d’une noirceur tout simplement sublime et poétique dans sa radicalité.


(couverture de l'édition originale de Jef de Wulf, heureusement conservée dans la réédition Fanval)

lundi 5 mai 2008

Georges Hugnet. Dictionnaire du dadaïsme.

Il y a déjà un an, je présentais sur le blog de l'ami Martian Shaker les collages de Georges Hugnet. Revenons à cette figure majeure et méconnue du XXème siècle. André Breton le remarqua très tôt car Hugnet fut le premier historiographe du mouvement Dada. Il fit paraître plusieurs articles sur le sujet dès 1924. Trente ans plus tard, avec la collaboration de sa femme, il s'engagea dans cette entreprise colossale de dictionnaire Dada. Aujourd'hui épuisé, ce livre est une vraie bible pleine d'informations rares et une source inépuisable de découvertes dont je me délecte.

Ed. Jean-Claude Simoën, 1976