lundi 30 juillet 2012

Au carrefour des fétichismes bizarres

En me baladant aux puces, un petit fascicule à couverture bleue paru en 1973 a attiré mon attention... Un visage fascinant en guise de couverture, une tête coupée entourée d'un collier plat argenté, posée sur un socle. 
J'ai d'abord pensé à un petit catalogue d'exposition d'un artiste inconnu avant de comprendre qu'il s'agissait en fait d'un manuel de coiffure... En le feuilletant, ces dizaines de têtes coupées aux visages tristes et inquiétants m'ont fasciné au point que j'ai déboursé un euro symbolique pour ramener cette curiosité dans la bibliothèque du carrefour! Et je ne regrette pas ce choix.

En scannant une par une ces figures sans vie, ces têtes de "poupées" d'un autre temps et d'un autre monde, j'ai cru voir ici un étalage de fétichismes bizarres!
Ce livret à but pédagogique pourrait tout aussi bien être une revue pour fétichistes japonais déglingués... fétichistes des cheveux, des visages de cire, des têtes coupées, que sais-je. 
Mais aussi "La coiffure mode au fer" me fait penser à la revue Bizarre de John Willie à laquelle nous avions consacré un post sur le côté obscur et fétichiste du carrefour, à savoir Haut Perché
Chaque figure technique de coupe peut s'apparenter aux différentes figures de bondage, aux visages baillonnés et inquiets de la revue mythique! Voyez par vous-même en fin de post...

Pour finir, ce livret d'un surréalisme inconscient m'a rappelé deux proches membres du mouvement surréaliste justement. A savoir le grand Clovis Trouille pour les visages inanimés, lui qui fut durant sa jeunesse modeleur de visages puis maquilleur chez Imans. 
Puis Ado Kyrou pour le fétichisme de la chevelure, qui fut critique de cinéma (Amour, érotisme et cinéma publié chez le maître Éric Losfeld, entre autres) et réalisateur, notamment du court métrage "La chevelure", adapté de Maupassant. Dans ce film, le personnage principal (joué par Michel Piccoli!), le seul personnage à proprement parler d'ailleurs, achète une commode aux puces. Cet objet le fascine et l’obsède à tel point qu'il l'empêche de dormir. En examinant le meuble de plus près, il découvre à l'intérieur de celui-ci une cachette secrète qui contient... une perruque aux très longs cheveux. Cette chevelure devient l'équivalent de sa propre femme, il dort avec (et probablement plus, je pense à ce plan où l'on voit Piccoli sur son lit frotter la perruque sur son corps), sort avec sur les Champs Elysées, affrontant le regard ébahi des passants. Cette obsession étrange le conduira d'ailleurs dans un asile, d'où il raconte son amour pour cette chevelure, alors qu'on la lui a prise et qu'à présent elle doit flotter, abandonnée, sur les eaux d'un quelconque fleuve (dernier et superbe plan du film). 

Voilà donc où nous mène ce petit livret bleu, loin des salons de coiffure et proche d'une rêverie étrange dans laquelle vous ne pénètrerez peut-être pas, mais prenez tout de même une minute pour vous demander ce que sont devenus ces visages de cire, ces perruques, à qui appartenaient ces cheveux, qui a dessiné les traits de ces faces troublantes, à partir de quels modèles... et peut-être comprendrez vous pourquoi "La coiffure mode au fer" m'a autant troublé. Et puis, qu'est devenue la valise à transporter la tête de l'image numérotée 32 (la 42ème du post), peut-être aujourd'hui contient-elle une vraie tête, ou une liasse de vieilles lettres d'amour, poussiéreuse et abandonné au fond d'un sombre grenier... 














































Un bizarre rapprochement ? Pas tant que ça...



Troublantes correspondances !



Clovis Trouille et ses têtes coupées !




Ado Kyrou et son bizarre fétichisme (La Chevelure, 19', noir et blanc, 1961)



















Et au cas où vous douteriez encore du caractère sexuel et bizarre des ces têtes et de ces cheveux, Magritte enfonce le clou, si l'on puis dire, avec ce tableau intitulé "Le viol"