Ah la fin des années 1960. Une période bénie pour l’édition !
Ce livre appartient à une série publiée par Balland sur les « mauvais lieux ». On trouve dans la même « collection », des ouvrages d’Ange Bastiani et de Xavier Domingo consacrés à la Côte d’Azur et à Barcelone.
Voici donc un texte écrit par Jean-Louis Brau (1930-1985), lettriste puis situationniste, agitateur 68ard et grand curieux.
A quoi vous attendez-vous en voyant la bobine de ce bouquin ? A une énumération de cochonneries pure et simple, un livre mal écrit et racoleur? Ce serait oublier que ce livre s’inscrit dans une époque bien précise. Voilà comment ça commence :
« Si nous reconnaissons, après Althusser, que le concept d’histoire n’est pas plus historique que n’est sucré le concept de sucre, nous pouvons admettre que le concept de mauvais lieu n’est pas localisé ».
Moi déjà, j’aime bien. Et ce n’est pas fini, suivront des citations d’Engels ou de Marx, donnant un air complètement dépassé au propos mais faisant aussi tout son charme.
« Si nous reconnaissons, après Althusser, que le concept d’histoire n’est pas plus historique que n’est sucré le concept de sucre, nous pouvons admettre que le concept de mauvais lieu n’est pas localisé ».
Moi déjà, j’aime bien. Et ce n’est pas fini, suivront des citations d’Engels ou de Marx, donnant un air complètement dépassé au propos mais faisant aussi tout son charme.
Surtout, Brau est un type brillant et ça se sent tout au long du livre. Il nous fait visiter Londres avec la passion et l’enthousiasme d’un connaisseur lettré et destroy.
Boîtes de strip, maisons de passe de Soho, prostituées spécialisées dans le sado-masochisme, arrière-boutiques où l’on vend de la pornographie (hautement réprimée dans la pudibonde Albion), tournages de films, mais aussi clochards de l’East-End ou buveurs d’éther. « La buveuse d’éther se reconnaît à sa lèvre supérieure légèrement couperosée. » etc.
Une galerie de portraits de la misère sous toutes ses formes, financière, sexuelle et psychologique.
« Tout ça n’est pas beau. Je préfère encore les voyous » écrit Brau.
Il y a aussi les hippies sous acide qui écoutent du Soft Machine, les « tombales », les prostituées de cimetières et bien d’autres que je passe sous silence pour ne pas gâcher votre plaisir de lecture si vous dégotez ce livre dans un dépôt-vente ou ailleurs.
En effet ce livre n’est plus réédité depuis des lustres et ne le sera sûrement plus jamais…tout se perd !
Ed. Balland, 1969.
5 commentaires:
Sympa et très beatnik. Je me le souhaite !
A noter que l'Ange Bastiani mentionné dans l'article n'est autre que l'immense Maurice Raphaël, mentionné patrout ailleurs dans ce Carrefour. Quand Maurice Raphaël (dont on ignore le vrai patronyme) a cessé de faire de la "grande" littérature faute de lecteurs, il s'est lancé dans le polar, l'érotisme et autres genres alimentaires, dont les guides décalés.
Merci de votre attention
Arnaud
Il semble que son vrai nom soit Victor Le Page, et non Victor-Marie Lepage comme on le trouve souvent, selon Bernard Joubert qui a vérifié tout ça à l'Etat civil.
vive l'aristocratie de la Racaille
En effet tout se perd et c’est bien dommage, la couverture est à elle seule fantastique !
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