Jack Ray.
Sergil chez les filles. Ed.
Corona, 1954.
Connaissez-vous
Jack Ray, enfin
Jacques Rey (un peu moins sexy)? Le scénariste du film
Sergil chez les filles (avec Paul Meurisse et Claudine Dupuis), adapté du livre éponyme que voici? J’avoue qu’avant de lire le livre, je m’en tamponnais complet de Jack Ray, et que c
’est encore le cas après. Encore un polar à moitié (j'suis sympa) raté, dont l’adaptation cinématographique n’a même pas, semble-t-il, séduit René Château pour une sortie en VHS ou DVD. Aux oubliettes…
Et bien non! vous saurez tout sur ce bouquin, que vous le vouliez ou non !
Comme souvent, c’est la couverture
super chiadée et mauvais genre à souhait qui m’a accroché l’œil. Non signée hélas, connaisseurs, manifestez-vous…
Le bouquin donc… C’est plutôt correctement écrit, enfin pas de fulgurances stylistiques et une nette tendance à la répétition d’expressions du genre
« pris comme un rat dans une ratière » (au moins 3 occurences…)
L’action se déroule à
Marseille après-guerre, après la fermeture des maisons closes. Tout commence dans
un bordel clandestin justement, tenu par Mme Irène et Fernand. Une petite dizaine de filles s’occupent des clients, quelques gros commerçants et hommes politiques locaux… Rien que de bien banal jusqu’à ce que
Marinette, la vieille servante, se fasse assassiner à coups de barre de fer dans le crâne. C’est une affaire pour
Sergil ça !
Voilà donc le beau Sergil, amoureux de l’action et de la chasse à l’homme, tombeur de ces dames, en personne. Ca va chier dans les chaudières ! Il n’aura de cesse de débrouiller les fausses pistes, de visiter de jolies pépées pour essayer d’en savoir un peu plus. De vilains bougres viendront s’interposer et salir sa jolie veste…
« L’inspecteur fit une moue en considérant les gouttes de sang qui tâchaient son veston. D’une pichenette, il fit sauter un débris de cervelle sur son revers, puis il vint vers la table, récupéra son portefeuille, son étui à cigarettes, et avant toute chose, il alluma une gauloise ». La classe suprême quoi…
Je vous passe les détails de l’intrigue, qui en comporte une sacrée foultitude, les personnages aux noms savoureux comme
Gougeon (un flic, vous l’aurez deviné),
Bouche-en-cœur (une prostituée, vous l’aurez deviné) ou
Martin-Les-Trois-Doigts (un malfrat ? non, vous croyez ?). Il y a aussi la bande à Mario, la bande à Gaston, un collectionneur de capsules qui en a de très rares ou encore le mystérieux Bob-Le-Fada qui devient, quelques 100 pages plus loin, Jo-Le-Fada… heureusement que certains lecteurs prennent des notes !
En soi, l’intrigue, on s’en fout. Ce qu’il faut sauver de ce livre est
son caractère oulipien. Visiblement imbibé(e) de pastis, l’énergumène qui a tapé le texte a oublié la moitié des lettres ou les a tapées dans un ordre assez aléatoire, produisant ainsi une avalanche de coquilles toutes plus belles les unes que les autres :
« trois minutes plus atrd »,
« sans s’inquiéter de la cirrulation » (inquiète toi de ta cirrhose plutôt !),
« au nmuéro 12 », etc. Le climax de cette folie linguistique se situe aux alentours des pages 160-162,
en pleine course poursuite, comme si la dactylo ivre et prise dans l’action, ne contrôlait plus sa frappe, laissant derrière elle autant de coquilles que de verres vides.
« Il suait, lui aussi, l’assassin, car la per l’envahissait. » (admirez, outre la coquille au pastis, l’admirable construction de cette phrase)… Page suivante :
« Il n’avait plus qu’une solution, mettre ne balle dans le pare-brise de l’atre voiture, et l’arrêter par tous les moyens ». Allez tape Claudine, on s’en fout que t’aies les doigts en forme de cuillère, faut me finir ce livre pour ce soir ! Je suis même allé jusqu’à me demander si toutes ces lettres oubliées ne finiraient pas par composer
le nom du tueur, mais là je crois que je mets trop d’espoir et de rêve dans cette saleté de littérature populaire, que j’adore.