présentent:
Je crois que si robo32.exe ne m’avait pas intrigué au sujet de ce livre de Maurice Périsset, La Rage Noire aurait fait partie des centaines d’ouvrages de ma bibliothèque que je n’aurais peut-être pas lus avant la retraite. Erreur fatale ! Car il s’agit là d’un petit bijou de roman noir à l’ancienne comme on n’en fait plus, dans la lignée du Léo Malet de la Trilogie Noire, de certains André Héléna, rappelant même parfois Jean-Pierre Martinet (sans atteindre toutefois un tel génie, hélas)... Chaque page de ce petit livre est un concentré de poisse existentielle écrit avec un certain raffinement et prenant aux tripes le pauvre hère que je suis.
Périsset raconte la vie du jeune Will, élevé par une mère collet monté qui a perdu son mari et qui a décidé de brider son fils, de faire de sa vie un enfer de respectabilité et de pruderie. Or Will a 17 ans, et peu lui importe les barrières que sa mère tend devant lui, il a une vie à vivre. Nous sommes chez La Tarente, il faut donc un peu de sexe dans tout ça. Périsset réussit à merveille à remplir son contrat sans pousser son roman noir vers une enfilade de scènes érotiques sans queue ni tête, si je puis me permettre… Will rencontre donc, alors qu’il fait le mur, la charmante Lya, figure féminine qui hante ses désirs telle la Polly du Jérôme de Martinet.
Déboussolé par le fait qu’elle soit une prostituée et qu’il ne l’ait pas compris avant de se retrouver dans son lit, Will n’en fera pas moins un idéal qu’il recherchera sans fin dans la ville, « talonné par une honte sournoise », une ville sombre et pourrie, pleine de vice et de misère. Nombre d’exhortations à voir ce tas de béton disparaître jalonnent La Rage Noire. « Sa sauvagerie, son amertume le reprenaient et, à nouveau, il désirait qu’une catastrophe anéantisse cette ville béate et sourde. »
Pendant ce temps, sa mère, qu’il croit prude et omnubilée par la perte de son mari, se découvre au lecteur sous un jour nouveau. On la voit se rendre dans un bar mal famé à la recherche d’un certain Gustave, un vulgaire voiturier dont elle a fait son amant. L’ayant retrouvé, elle apprend de la bouche de ce dernier que leur relation est terminée car Gustave ne supporte plus cette vie dans le secret, lui le vulgaire prolétaire se cachant pour coucher dans le lit de la bourgeoise du quartier. Mû par un instinct de classe et un dégoût des faux semblants, il lui annonce que tout est désormais fini entre eux.
Will, qui ignore tout des débordements de sa mère qui se noie dans l’alcool pour oublier ses mésaventures, se rend chez son ami Jean Deschalas qui l’hébergera désormais. Alors qu’il est étendu sur le lit, il entend dans la pièce voisine des chuchotements et des petits cris et découvre son ami Jean avec la bonne. Cette scène est ressentie par Will comme un traumatisme. Il ressent le bonheur des autres à la mesure de sa solitude et de son désespoir. Une rage noire le prend qui ne le quittera plus.
Le lendemain il rentre chez lui pour récupérer ses affaires. « Jamais Will n’avait vu la maison de son enfance aussi laide qu’en cet après-midi où une sorte de vie nouvelle s’insérait dans ses veines. Etroite et noire, perdue au fond de la rue, gorgée d’humidité et luisante par endroits, cette demeure lui faisait soudain peur. Il rêvait d’un impossible orage qui laverait la façade de toutes les souillures que le temps et la fumée y avaient accumulées, qui disperserait au vent les odeurs sures qui s’échappaient des étroites rigoles longeant le trottoir ».
Will découvre sa mère, gisant sur le parquet de sa chambre.
Son destin brisé, ses racines tranchées, Will s’enfonce dans un néant poisseux et nauséabond. Dans un café-cabaret de second ordre, il voit son ami Jean fricoter avec d’autres filles que la bonne, et une fois de plus, le monde lui semble laid et vicié. « Que Jean, cette nuit, partageât la couche d’une de ces filles, cela, au fond, ne le gênait pas. Mais sa versatilité le remplissait d’amertume, un peu comme s’il en avait été lui-même la victime. »
Périsset décrit à merveille l’errance folle et désespérée de son personnage : « Will n’osait plus marcher dans les rues où il se perdait. Bête aveugle et sourde, où allait-il ? Vers quels parcs à bestiaux, quel abattoir ? Il rêvait d’un formidable séisme qui anéantirait cette ville monstrueuse, dont les ruelles sales grouillaient, comme des vers, dont les habitants étaient sembables à des pantins de jeux de massacres. » Se retrouvant dehors sans les clés de l’appartement de Jean, il est contraint de retourner dormir chez lui, alors que le cadavre de sa mère commence à dégager une odeur nauséabonde. Pris dans un tourbillon de démence, il met le feu à la maison de son enfance et au cadavre de sa mère avant de rejoindre les rues sombres et puantes, et de continuer à tracer le sillon d’une vie de misère, d’abjection et de poisse incompressible.
J’ai pris note des critiques me reprochant de raconter l’intégralité des romans que je présente et ne vous dirai donc rien de la dernière partie du livre qui porte ce dernier à mon petit panthéon personnel des livres cultes pour moi seul.
Il nous reste plus qu'à trouver cette perle pour en savourer le contenu et découvrir le final...
RépondreSupprimerBravo pour votre blog...:)
super résumé, les citations donnent l'eau à la bouche, ce bouquin a-til été réédité?
RépondreSupprimerj'adore perisset! il y a toujours quelque chose a en retenir meme dans ses trucs "moyens"
RépondreSupprimerhum hum, voili voilà un livre qui donne l'eau à la bouche malgrés les relents d'odeurs nauseabondes de cette pauvre bonne mère
RépondreSupprimerMerci Pignouf !
RépondreSupprimerJamais Jim, et si me reposes la question dans 50 ans je pense que j'aurai la même réponse. Sauf si je gagne à l'euro milliards et que je le réédite moi même (ou avec filo qui m'a l'air de bien tater en Périsset)...
Cheers mister M !
ah ben l'eusse-tu cru ??? Un roman de la Tarente qui ne fait pas dans la gaudriole débile, qui ressemble même à du Malet de la période Scorpion et qui est signé par Maurice Perisset ?
RépondreSupprimerça fait beaucoup...