Voilà une perle du catalogue Losfeld dont strictement personne ne parle, son auteur étant tombé dans le caniveau de l’ignorance et de l’oubli. Auréolé par le « Grand Prix de l’Humour Noir Xavier Forneret » (en quelle année ?), il n’a jamais (re)fait parler de lui. Encore un obscur pseudonyme ?... On attribue généralement la parution de ce texte à l’année 1966, or je possède une édition non datée qui selon moi a paru en 1958 ou début 1959. Losfeld a réédité ce texte au moins trois fois sous 3 maquettes différentes. Toutes trois sont accompagnées des dessins de l’admirable Félix Labisse (mon respect éternel à qui me montrera le documentaire que lui consacra Alain Resnais Visite à Félix Labisse).
Qu’en est-il donc de ce petit texte ? Il se présente sous la forme d’un énième traité de sexologie rédigé par un barbant citant à tire larigot une multitude d’auteurs classiques et de philosophes. Passées quelques pages, on comprend qu’il n’en est rien et que ce texte est tout simplement une merveille de subversion amorale à la Swift (Instruction aux domestiques) ou De Quincey (De l’assassinat considéré comme un des beaux arts). Pourquoi ? Tout simplement parce que DLHDLFETDVDLCA (…) est un petit manuel de viol partant du postulat que le comportement amoureux est entre les mains de la femme car c’est elle « qui accorde ou refuse » le rapport sexuel. Sans son accord, l’homme n’est qu’une paire de roupettes inutiles (ce sont mes mots, la thèse ici évoquée étant écrite dans un langage autrement plus châtié).
« En demandant, l’homme perd ses qualités intellectuelles, sinon autres, de mâle ». Donc ! « Le violateur, en remontant aux sources toutes puissantes du désir, retrouve les caractéristiques du mâle avec ce que comporte d’irrépressible dans le domaine du mental l’identité de l’acte et de son mobile. Opportet quod… solum in ratione conveniat, comme le dit si bien Saint Thomas. »
Nous voilà donc convaincus, le violateur est plus que dans son droit, Hegel, Aristote, la Bible et autres Stace ou Térence apportant autant de citations que de preuves à l’appui. Notre guide, ce cher Eon, qui a personnellement expérimenté tout ce dont il parle, nous propose donc, dans la première partie, un manuel du violeur avec astuces et techniques pour réaliser un viol sans danger. Il répond à toutes nos questions comme par exemple – et vous vous la posez tous – comment réagir si la femme résiste ? Simple :
« Après l’échec de la révolte [conjurée par une utilisation simultanée de coups à l’estomac et d’application d’oreillers étouffeurs de cris] apparaissent les larmes et les supplications. Une longue expérience nous a montré que celles-ci sont généralement dépourvues de toute interprétation personnelle et ont presque toujours une origine livresque genre : « Vous n’avez donc pas de cœur ? » ou « Pensez à votre mère ». Afin de ne point sombrer dans ce marécage de lieux communs les violateurs un peu érudits et parfaitement maîtres d’eux-mêmes peuvent alors engager une discussion sur un thème philosophique, le noumène kantien par exemple, ou déclamer quelques vers. »
Et le tour est joué. Allez, ce livre n’est pas complètement introuvable, je ne vous dévoilerai donc pas les autres trucs et astuces ni le contenu de la deuxième partie… Et puis j’ai déjà suffisamment énervé quelques lecteurs et lectrices outrés que j’entends d’ici vociférer tels des chiens et des chiennes de garde que l’on ne peut pas rire de tout. Je vous aime, restez.
Nb : Pour les curieux et tout ceux qui veulent m’aider, la clé du mystère Ekis réside peut-être dans ce dessin sans rapport apparent avec le livre. Monsieur (?) Verdier de Beaufort ( ?)… Peut-être que parmi les lecteurs lettrés, ce nom évoquera quelque chose… le passant, le Visage Vert, orlof, quelqu’un ??
Au passage, je vous invite à consulter un lien passionnant: BiblioCuriosa, site géré par Nathalie Quirion qui travaille sur les romans sado-masochistes et qui partage un grand nombre d'informations précieuses sur la littérature érotique.
Sources : comme toujours ou presque, mes propres scans sauf la dernière couverture trouvée sur le net (ebay)
Non, là, désolé...
RépondreSupprimermais c'est magnifique, c'est splendide, c'est génial, c'est la trouvaille du mois !!!
RépondreSupprimeril me le faut !
je me réveil à peine, j'emmerge et je découvre ton spot, surprenant comme toujours. mais comme le passant j'ai bien essayé de trouver quelque chose, mais na da, rien de rien, tout désolé,
RépondreSupprimerà trés trés vite
Merci quand même messieurs! Un jour on trouvera !
RépondreSupprimerBonne quête robo, je suis sûr que tu mettras la main dessus un de ces jours.
Et encore merci à Andréa si elle lit ceci pour les 26 commentaires qu'elle a laissé sur mon blog hier :)
Derrière Eon Ekis se dissimulerait nul autre qu'Isidore Isou - mais je ne sais plus où j'ai lu ça, il y a plusieurs années. Info avancée sous toute réserve, donc.
RépondreSupprimerAh merci, intéressant tout ça! En tout cas il y a, chez cet auteur qui cite Breton et une foule de philosophes (la plupart cités en latin sans traduction d'ailleurs...) une érudition toute isouienne... Si jamais la source refait surface...
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